lundi 3 mars 2014

La bonne question pour Washington

La crise en Ukraine continue de faire les grands titres de l’actualité internationale. Selon la presse américaine, 90 minutes de conversations téléphoniques entre les présidents Obama et Poutine n’ont servi qu’à mettre en évidence les grandes divergences qui séparent Washington et Moscou  quant à l’évaluation des causes et des conséquences de la crise.
Pour les Etats-Unis, Poutine a « violé la loi internationale et la souveraineté de l’Ukraine ». Pour la Russie, il s’agit d’ « une réponse légitime aux provocations criminelles d’ultranationalistes soutenus par les autorités en place actuellement à Kiev. »
La Russie se sent d’autant plus menacée et ses intérêts vitaux en danger que le travail de sape de l’influence russe en Ukraine, initié et soutenu par l’Occident, a commencé depuis 2004, avec la « révolution orange », et se poursuit dix ans après avec le renversement du président Viktor Ianoukovitch, démocratiquement élu.
Que peuvent faire les Etats-Unis contre un pays qui possède un arsenal nucléaire terrifiant et qui tient le robinet de gaz qui alimente la majorité des pays européens ? Les menaces de bombardement et les ultimatums ne pouvant être proférés que contre les petits pays dépourvus de moyens de défense, Obama se contente donc de recourir aux menaces auxquelles recouraient ses prédécesseurs en cas de crise avec la défunte Union soviétique : sanctions économiques, convocation du Conseil de sécurité de l’ONU, boycottage des événements internationaux organisés par la Russie et autres mesures auxquelles Poutine ne pourrait très probablement répondre que par un haussement d’épaules.
En attendant une issue à cette crise internationale, les Etats-Unis gagneraient à se soumettre à un petit exercice d’introspection qui devrait les inciter à plus de modestie et les convaincre de la nécessité de mettre un peu d’eau dans leur vin. La bonne question à laquelle ils doivent répondre est comment un pays qui décide sans rime ni raison de détruire l’Irak se permet-il de pointer un doigt accusateur vers la Russie qui, elle, sans avoir tué un chat, tente de sécuriser ses frontières et défendre ses intérêts légitimes et la population russophone de Crimée ?
Cela dit, depuis le déclenchement de la crise ukrainienne, on entend çà et là des commentateurs qui tentent d’établir des similitudes entre ce qui s’est passé en Tunisie en janvier 2011 et ce qui se passe en Ukraine depuis quelques semaines. Certes, à Tunis et à Kiev, c’est la mobilisation de la foule dans la rue qui a fini par provoquer la fuite de Ben Ali en Arabie Saoudite, et de Ianoukovitch en Russie. La similitude s’arrête là, tout le reste étant de nature fondamentalement différente.
La foule ukrainienne a renversé un président légitime élu démocratiquement. Elle a été utilisée au vu et au su de tous par les services secrets et les diplomates occidentaux pour renverser un président non pas parce que c’est un dictateur, mais parce qu’il entretient une solide alliance avec Moscou qui n’est pas du goût de Washington et de Bruxelles.
En Tunisie, les jeux douteux des grandes puissances ne sont pas aussi évidents et il n’y a pas de gros intérêts stratégiques en jeu. Les choses sont donc beaucoup plus simples. Le peuple a toléré pendant 23 ans un dictateur qui ne voulait plus lâcher le pouvoir dont il a usé et abusé ad nauseam. Et puis un jour, la situation est devenue intolérable et le peuple a mis fin à la dictature.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire