mercredi 26 mars 2014

Nos banques à l'heure de vérité

Tous les établissements de crédit de la place de Tunis sont tenus, d'ici au 30 mars 2014, d'afficher un taux de solvabilité minimum de 10 %. Certains banquiers ne doivent pas dormir la nuit.
Il a suffi d'un communiqué pour que la valeur de l'action UIB-Société Générale annonce une dégringolade vertigineuse sur le marché boursier de Tunis. Le communiqué en question indiquait que les états financiers de la banque, arrêtés au 31 décembre 2013, "sous réserve de leur certification définitive par les commissaires aux comptes, de leur revue par les autorités de tutelle et de leur approbation par l'assemblée générale des actionnaires" font apparaître un résultat net de 38 MD, des fonds propres comptables de 61,7 MD, équivalent au tiers du capital social, alors que la norme minimale oblige à 50 % du capital. Du coup, c'est le ratio de solvabilité de la banque qui s'est dégradé affichant un taux de 5,2 %, alors qu'obligation est édictée par la Banque Centrale de Tunisie (BCT) d'enregistrer un ratio de 10 % d'ici à la fin du premier trimestre 2014. Cela devrait se traduire par une recapitalisation de la banque d'un montant de 150 MD. Autrement dit, il s'agit pour la banque de renflouer ses caisses. Cette opération prendra-t-elle la forme d'une augmentation du capital? Dans cette perspective, on comprend dès lors les craintes des détenteurs d'actions de l'UIB qui risquent soit de voir la valeur de leurs actions chuter de moitié - s'ils n'exercent leurs droits préférentiels de souscriptions à l'augmentation du capital de l'UIB, celle-ci devenue inévitable -, soit de jour le tout pour le tout en maintenant leur confiance à l'égard du management de la banque d'assainir définitivement l'établissement de crédit.
Il convient de rappeler, à ce propos, que l'UIB n'en est pas à sa première recapitalisation. En 2008, l'UIB a obtenu deux prêts subordonnés du Groupe Société Générale, actionnaire majoritaire à plus de 52 % de l'UIB, d'un montant de 40 MD chacun dans le cadre du respect par la banque des règles prudentielles.
Mais à ce stade, une question s'impose d'elle-même : pourquoi l'UIB se serait-elle hâtée de livrer une information qui, objectivement, la dessert, d'autant plus que ce ne sont pas les obligations légales de notre législation bancaire qui l'imposent. La banque aurait pu attendre que l'assemblée générale des actionnaires devant statuer sur les comptes de 2013 entérine la proposition du conseil d'administration pour livrer pareille information. C'est que l'établissement du bilan est exigé dans les plus brefs délais par l'actionnaire majoritaire, c'est-à-dire le Groupe Société Générale qui est obligé d'intégrer les résultats de sa filiale dans l'élaboration de ses comptes consolidés dans les délais fixés par la loi bancaire française. A défaut, le Groupe serait sévèrement sanctionné.
L'UIB n'est qu'un cas parmi tant d'autres
En tout cas, ce qui se passe à l'UIB donne à voir sur l'état de santé de nos établissements de crédit. Ceux qui croient que les problèmes du système bancaire du pays se réduisent à la situation financière des banques publiques sont invités à revoir leur position. Car, il n'est nullement surprenant que le cas de l'UIB soit exclusif. Les propos tenus récemment par 'Chédly AYARI', gouverneur de la BCT, aux membres de la Commission de la réforme et de la lutte contre la corruption de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC), sont révélateurs : la valeur des créances classées du secteur bancaire a atteint 12,5 milliards de dinars en ce début d'année, soit 20 % du total des engagements des établissements de crédit de la place. Les banques publiques en détiennent 40 %, ce qui signifie que 60 % du volume des créances accrochées sont détenues par les autres banques.
Si l'on tient compte des estimations de la Banque Mondiale concernant la recapitalisation des banques publiques pour leur éviter tout risque d'insolvabilité qui oscille entre 3 et 5 % du PIB. Quand on y ajoute le montant de la recapitalisation de l'UIB et des autres banques pour satisfaire au ratio de solvabilité de 10 %, cela devrait nécessiter plusieurs milliards de dinars, que les banques qui ne sont pas adossées à un partenaire de poids auront les pires difficultés à s'en sortir. D'autant que le 30 mars 2014, date limite imposée par la BCT, est dans quelques jours. Croisons les doigts.
EcoJournal
N°228, du 14 au 20 mars 2014, p. 3

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