samedi 1 novembre 2014

L'endoctrineur --- La Désintégration



« J’ignorais comment  les jeunes se trouvaient endoctrinés, j’ai découvert qu’en réalité c’était extrêmement simple : l’endoctrineur sait de quoi sont faits leurs sentiments, leur aigreur, il sait comment agir avec eux, il sait quels points toucher en eux. À un jeune qu’il rencontre dans la rue, il dit dans un premier temps que s’il est seul, sans rien, c’est que la société fait tout pour qu’il ne soit personne, pour qu’il ne compte pas. Peu à peu il le coupe de toute autre influence que la sienne, il le sépare de son environnement familial et lui donne des repères de substitution : tu n’es pas français comme les autres Français puisque tu n’as droit à rien, tu n’es pas algérien ou tunisien comme tes parents, ton père a fait tous les boulots dont les Français ne voulaient pas, tu es un musulman et tes seuls frères sont ceux qui combattent pour l’islam. Ces jeunes possèdent une énergie abrupte, qui n’a de prise sur rien et qu’il suffit au recruteur de détourner et de canaliser. Pour l’endoctrineur, c’est un business comme un autre, il leur vend de la religion comme il pourrait leur vendre de la drogue. Et si ça ne fonctionne pas avec un, il passe à un autre, les proies ne manquent pas » (Mohamed SIFAOUI). Marié à une jeune femme d’origine algérienne issue d’un de ces quartiers que l’on est difficile, ‘Philippe FAUCON’ [le réalisateur] connaît bien les personnages de « la Désintégration », dont il a remarqué « qu’ils se renferment de plus en plus sur eux-mêmes, portés à une forme d’autisme par des sentiments d’aigreur, de frustration, de déception, qui les conduisent à des comportements très négatifs, de l’ordre du rejet, de la séparation ». Aussi s’est-il déclaré intéressé lorsque deux jeunes producteurs, ‘Yves CHANVILLARD’ et ‘Nadim CHEIKHROUHA’, lui ont proposé ce sujet qui retrace un parcours similaire à celui de ‘Zacarias MOUSSAOUI’, un des vingt terroristes du 11 septembre 2001.
[Les acteurs d’origine maghrébine] que [‘Philippe FAUCON’] a choisis sont magnifiques, de ‘Rashid DEBBOUZE’, jeune frère de Jamel (26 ans), qui incarne Ali, celui qui tombe dans le piège, à ‘Yassine AZZOUZ’, le recruteur, en passant par ‘Zahra ADDIOUI’, une non-comédienne, qui interprète la mère d’Ali et à qui revient la conclusion du film, bouleversante. De quelle « Désintégration » s’agit-il en vérité ? De celle de gamins perdus, oui, sans aucun doute, mais avant tout et surtout de celle d’une société toute entière. Aussi le film de ‘Philippe FAUCON’ fait-il froid dans le dos. Mais il donne un sérieux coup de fouet, de ceux qu’on peut juger salutaires.
Pascal MÉRIGEAU,
« L’endoctrineur »,
Le Nouvel Observateur,
N° 2466, 9 février 2012

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