lundi 21 octobre 2013

Le coup d’éclat mondial de Ryadh

Le refus de l’Arabie Saoudite d’occuper le poste de membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU qui lui a été décerné est doublement étonnant. D’abord, parce que ce refus constitue une première dans l’histoire de l’Organisation internationale ; ensuite, parce que l’Arabie Saoudite a déployé auparavant un lobbying et un effort diplomatique intenses en vue de figurer parmi les cinq pays que l’Assemblée générale de l’ONU élit pour occuper pendant deux ans les postes de membres non permanents au Conseil de sécurité. Mais aussitôt élue, elle décline le poste.
Le but de la manœuvre saoudienne, si  l’on peut dire, est clair : provoquer un coup d’éclat à un niveau mondial pour attirer l’attention sur la question syrienne, tout en mettant en avant bien évidemment le point de vue de Ryadh concernant à la fois la situation sur le terrain en Syrie et la solution à cette terrifiante guerre civile.
La situation en Syrie est donc derrière le coup d’éclat de l’Arabie Saoudite et la preuve est contenue dans le communiqué publié par Ryadh pour justifier sa décision sans précédent. On lit notamment dans le communiqué officiel du ministère saoudien des Affaires étrangères : « Permettre au régime syrien de tuer son peuple et de le brûler avec des armes chimiques devant le monde entier et sans aucune dissuasion ni punition est la preuve évidente de l’incapacité du Conseil de sécurité d’accomplir ses devoirs et d’assumer ses responsabilités. »
Il est tout de même étrange que l’Arabie Saoudite ait éprouvé l’intense besoin de faire un tel coup d’éclat à l’échelle mondiale pour promouvoir son agenda politique syrien et n’ait jamais pensé à en faire autant pour dénoncer l’occupation par Israël des terres palestiniennes qui dure depuis près d’un demi-siècle ! Pourtant, à ce niveau, «l’incapacité du Conseil de sécurité d’accomplir ses devoirs et d’assumer ses responsabilités » est autrement plus grande, spectaculaire même.
Cela dit, la décision saoudienne de ne pas occuper son poste de membre non permanent au Conseil de sécurité devrait remettre à l’ordre du jour le vieux débat concernant l’élargissement de la haute instance internationale par de nouveaux membres permanents. Cette vieille revendication a des arguments solides qui militent en sa faveur, et en premier lieu le fait que le rapport de force qui avait donné naissance à la structure et à l’organisation actuelles de l’ONU est aujourd’hui anachronique.
A cela s’ajoutent les revendications légitimes de pays comme le Japon, l’Allemagne, l’Inde, l’Afrique du Sud ou encore le Brésil, pour ne citer que ceux-là. N’est-ce pas absurde que le monde musulman qui compte un milliard et demi d’habitants et l’Inde qui n’est pas loin du milliard n’aient aucun poste de membre permanent et donc aucune influence au sein de la plus haute instance internationale dont les décisions, notamment celles prises sous le chapitre VII, peuvent affecter la vie de dizaines et même de centaines de millions d’êtres humains.
L’exemple saoudien, dont la motivation n’a rien à voir avec la nature de la composition du Conseil de sécurité, pourrait justement ouvrir la voie à d’autres coups d’éclat d’envergure mondiale pour secouer l’inertie d’une instance qui a un besoin urgent de sang nouveau et d’un dynamisme exceptionnel de nature à l’aider à relever les défis internationaux, eux aussi exceptionnels, de par les troubles de dimension planétaire  qui caractérisent ce début de millénaire.
                                                                                                    La Presse du lundi 21/10/2013 (Editorial)

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