jeudi 9 mai 2013

L'armée au service de la cohésion sociale

La crise budgétaire frappe l'ensemble des pays européens. Le chômage va bientôt atteindre les niveaux historiques  de 1997 en dépassant les 3,2 millions de chômeurs et la tendance ne semble pas s'inverser. Face à cette situation,  ce sont les jeunes, les seniors  et les chômeurs de longue durée  qui sont les plus touchés par la crise  que nous traversons.
Dans ce contexte morose, la défense pourrait apparaître comme un sujet "exotique", déconnecté des principaux enjeux. Pourquoi verser plus de 30 milliards d'euros par an au ministère de la Défense alors que nous devons faire face à une urgence sociale sans précédent entraînant la montée des populismes ?
Indépendamment de sa mission primordiale qui est d'assurer la défense du pays, il est important de rappeler que les armées françaises assurent une mission de cohésion sociale. Malgré la déflation importante de 17% de ces effectifs, le ministère de la Défense demeure toujours le premier recruteur d'agents publics avec en 2012 un recrutement externe de 21.000 personnes dont 90% concernent du personnel militaire. Environ 65% des recrutés se voient proposer un emploi de militaire du rang ne nécessitant pas de qualification de haut niveau. De nombreux jeunes, issus bien souvent de milieux défavorisés, rentrent dans les armées et reçoivent une formation professionnelle. La défense offre la possibilité de faire carrière et d'acquérir de nombreuses compétences. Dans une période où l'ascenseur social semble moins efficace que par le passé, les armées se révèlent être l'unique chance pour de nombreuses personnes.
Très souvent, les armées sont la première main tendue à ceux qui n'ont pas ou peu de diplômes. Elles peuvent resocialiser des jeunes en difficulté qui ont besoin d'un encadrement et d'une formation. Bien que le service militaire obligatoire ait disparu en 1997, la mission sociale des armées n'a pas disparu. Le service militaire adapté a permis en 2012 de former plus de 3.000 jeunes à plus de cinquante métiers différents, dans les départements d'outre-mer, où le chômage touche près de 30% de la population à la Réunion.
Au-delà du nombre de personnes touchées, les armées promeuvent les valeurs d'égalité et de liberté, quels que soit le milieu et l'origine des soldats. Elles mettent en avant la réussite et la promotion interne. Chaque année, 4.000 militaires bénéficient de cet escalier social par un changement de catégorie. S'agissant de l'armée de terre, par exemple, 50% des officiers sont d'anciens sous-officiers et 70% des sous-officiers ont été des militaires du rang. Ce chiffre est à comparer aux 2,9% des élèves ayant des parents ouvriers à l'ENA en 2011. Dans une époque où la promotion sociale n'est parfois qu'un lointain souvenir, les armées jouent un rôle fondamental, notamment auprès des plus démunis.
La politique des ressources humaines du ministère se caractérise aussi par des flux de sortie très importants. Chaque année, entre 22.000 et 27.000 militaires quittent le ministère de la Défense. Le statut général du militaire garantit à ceux-ci les moyens d'un retour à une activité dans la vie civile. La reconversion est considérée par le ministère comme un élément indissociable du parcours professionnel du militaire. 85% des militaires volontaires pour une démarche de retour à l'emploi retrouvent dans l'année de leur départ un emploi dans le secteur privé ou la fonction publique.
Malgré ces missions de première importance, le rôle social des armées n'est pas pris en compte par l'actuel livre blanc de la défense et ne semble pas être au cœur du prochain. Plutôt que de le dénigrer, proposons des avancées ambitieuses permettant à l'armée de renforcer cette mission fondamentale.
Les débats actuels semblent focalisés sur une logique comptable et non sur les moyens que l'on veut donner au ministère pour qu'il puisse assurer ses missions. Nous devons définir les objectifs que doivent remplir nos armées et leur donner les moyens. Puisque nous ne pouvons plus tout assurer, débattons de ce que nous devons abandonner. Mais faisons-le en pleine connaissance de cause, après avoir longuement pesé le pour du contre.
Procéder à des coupes budgétaires dans le seul but de répondre à des impératifs comptables est une erreur. Cela mettrait à mal l'écosystème cohérent et qui marche de la défense et remettrait en cause sa capacité à assurer ses missions.
Ibrahim Sorel Keita (Vice-président de SOS-Racisme) 
et Loïc Tribot La Spière
 (délégué général du Centre d'étude et de prospective stratégique (CEPS))
Le Figaro, Mardi 7 mai 2013, p. 14

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