mercredi 9 janvier 2013

L'eldorado des nazis en Bolivie

Pour la première fois depuis cinq cents ans, un indien, un homme de cette raza cobriza, de ce peuple couleur de cuivre, est le président démocratiquement élu d'un pays d'Amérique du Sud.
Ce Pays [la Bolivie] détient les troisièmes réserves les plus étendues du monde en gaz liquide, une grande partie des réserves pétrolières et une quantité appréciable de minerais stratégiques parmi les plus rares et les plus précieux de la planète.
L'Occident riposte, bien sûr. Essentiellement, pour l'heure, par l'intermédiaire de ses mercenaires locaux. Qui sont-ils?
Sur ses terres basses, la Bolivie avait accueilli après 1945 un grand nombre d'anciens nazis, d'origine allemande et autrichienne, des oustachis croates, des Croix de fer roumains et nombre de criminels fascistes issus de Hongrie, de Lettonie, d'Ukraine, etc. Beaucoup avaient été recherchés par Interpol, parfois pendant des décennies. Généralement en vain.
A ce point, un rappel d'histoire est indispensable.
Le 10 août 1944 se tint à Strasbourg, à l'hôtel de la Maison-Rouge, une réunion de responsables économiques et de généraux SS. Elle avait été convoquée par 'Heinrich Himmler'. Autour de la table, les directeurs généraux de Krupp, Röchling, Volkswagen, Rheinmetal, Messerschmitt et d'autres grandes sociétés industrielles. Plusieurs directeurs d'IG Farben étaient là aussi, qui fournissaient le gaz "Zyklon B" aux camps d'extermination. La plupart de ces représentants de l'industrie étaient personnellement liés aux hommes en uniforme noir à tête de mort. Ils se connaissaient et travaillaient ensemble depuis des années).
Le premier objet de la réunion était le transfert massif de capitaux allemands vers l'Amérique du Sud, afin qu' "après la défaite, un IVème Reich allemand fort pût renaître".
Le second objectif était l'organisation et le financement de la fuite des responsables des SS, de la Gestapo et de leurs auxiliaires. En vue de l'inévitable repli, les SS et leurs complices de la haute finance et de l'industrie avaient jeté leur dévolu sur une région déterminée : la province de Missiones au nord de l'Argentine, les rives de rio Paraguay, et les terres basses de la Bolivie. De ce triangle, Santa Cruz est la capitale.
L'historien 'Jorge Camarasa' raconte comment, dès la fin de l'année 1944, des sous-marins allemands arrivaient de nuit à l'embouchure du Rio de la Plata. Ces bâtiments étaient remplis de caisses d'or, d'argent et de diamants, escortés par des agents allemands en armes. Du Rio de la Plata, la cargaison était déchargée, avant d'être embarquée sur des barques remontant le rio Paraguay jusqu'à Puerto Suarez, le port fluvial de Santa Cruz.
Le 12 décembre 1996, le gouvernement américain a publié un document resté secret pendant cinquante et un ans, et qui, pour la première fois, fournit une estimation du butin nazi transféré dans le triangle. Durant le seul mois d'avril 1945, c'est environ un milliard de dollars (valeur 1945) qui fut ainsi reçu par les compagnies d'assurances, les banques, les sociétés fiduciaires, les administrateurs de biens et les maisons de commerce de Bolivie et d'Argentine.
Dans les départements boliviens de Santa Cruz, du Beni et de Pando, des agents allemands achetèrent ainsi, dès la fin de l'année 1944, de gigantesques domaines, des entreprises agro-industrielles, des élevages et des compagnies de transport.
La réalisation du second objectif de la conférence de Strasbourg exigeait des efforts considérables. L'organisation structurée, efficace, destinée à assurer l'évacuation clandestine des assassins vers l'Amérique latine fut mise en œuvre sous le nom de code d' "Odessa" (Organisation der chermaligen SS-Angerhörigen, Organisation des anciens membres des SS). Grâce à elle, 'Joseph Mengelé', médecin à Auschwitz, parvint à se cacher pendant plusieurs décennies entre le rio Paraguay et le département de Santa Cruz. 'Eduard Roschmann', surnommé le "boucher de Riga", le chef de la Gestapo 'Heinrich Müller' et bien d'autres tueurs nazis ont coulé une retraite paisible dans le triangle. Mis à part 'Adolf Eichmann', responsable des affaires juives à l'Office de sécurité du Reich, enlevé à Buenos Aires en 1960, et 'Klaus Barbie', aucun de ces criminels n'a été arrêté. Dans sa fuite, 'Eichmann' lui-même était passé par Santa Cruz.
Combien de nazis ont fait appel aux réseaux d'"Odessa"? Personne ne le sait. Mais ce qu'on sait, en revanche, c'est que les oustachis furent particulièrement nombreux à profiter de la Rat-Line (route d'évasion des rats; cette expression est celle qu'emploie l'organisation "Odessa" elle-même) établie par l'organisation "Odessa" (Deux prélats croates occupant des postes clés au Vatican, le 'Cardinal Stepanovic' et le 'père Draganovic', remettaient des passeports du Vatican aux oustachis).
Il ne s'est, certes, pas fondé du IVème Reich dans l'Oriente bolivien. Mais jusqu'à ce jour, on y reste fidèle au passé. 'Bertolt Brecht' écrit : "Le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde".
'Jean ZIEGLER'
"La haine de l'Occident",
Le livre de poche, 2007, pp. 312-316

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