"Si Bourguiba est un homme instruit qui a cherché à épanouir, quoique partiellement, son peuple, Ben Ali est, lui, beaucoup moins instruit cherchant à abêtir et piller ses sujets. Mais l'un et l'autre ont cherché à agglomérer les hommes par la pensée unique.
Bourguiba et Ben Ali ont donc cédé à l'ivresse du pouvoir quoique les raisons soient différentes. L'un et l'autre auront constaté avec retard que "la politique est horrible : elle ne fait grâce à personne, même pas ses enfants gâtés" comme le précisait 'François Giroud'. Or seule une lecture attentive de l'histoire peut prémunir contre les abus, les dérapages et le vertige. Pour Bourguiba qui a profité de la prison pour lire l'histoire, c'est impardonnable. Il est peut-être plus intelligent que Jughurta mais nullement plus humble en prétendant avoir réussi. Le 7-Novembre qui symbolise sa chute en est la double illustration. L'un et l'autre ont ceci en commun : ils sont partis sans pouvoir dire un mot au peuple. Une des tares du Tiers-Monde. Si Bourguiba est resté dans le coeur des Tunisiens, méritant un mausolée grandiose, Ben Ali n'y a séjourné qu'un moment très court. En empêchant les Tunisiens de suivre à la télévision les obsèques de Bourguiba, décédé le 6 avril 2000, il a renforcé le dégoût du peuple à son égard. l'Histoire est là pour réhabiliter le premier et dénoncer le second, mandat d'arrêt en prime.
Le militant 'El Aid Jebbari', un des compagnons de Bourguiba en prison prophétisait :
وكلّ جبّار إذا ما طغى --- وصار في طغيانه يعصف
أرسله الله إلى تونس --- فتكـلّ جبّـار بـها يٌقصـف
                                                                                                                                          Mohamed Kilani
                                                                                                                          "La Révolution des Braves"
                                                                                                                                                   pp. 78-79